Art contemporain
Louise-1964

Louise Bourgeois par Robert Mapplethorpe

Louise Caroline Bourgeois est une artiste plasticienne française. née à Paris le 25 décembre 1911. Elle a la nationalité américaine depuis 1955 .

Louise Bourgeois s'est installée en 1938 à New York après avoir épousé l'historien d'art américain Robert Goldwater (1907-1973).

Biographie[]

Les parents de Louise Bourgeois étaient restaurateurs de tapisseries anciennes à Choisy-le-Roi, ce qui n'a pas été, selon elle, déterminant dans sa carrière d'artiste. Cependant dès l'âge de dix ans, elle commença à aider ses parents pour les dessins des tapisseries et à faire les pieds manquants ainsi que d'autres motifs. Enfant, elle est turbulente et remarque que sa nounou est l'amante de son père. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1932, elle étudie les mathématiques supérieures à la Sorbonne en géométrie, espérant trouver ainsi un ordre et une logique dans sa vie.

Bourgeois s'écarta des mathématiques, trop théoriques à son goût : « Pour exprimer des tensions familiales insupportables, il fallait que mon anxiété s'exerce sur des formes que je pouvais changer, détruire et reconstruire. » Elle commence des études d'art à Paris, d'abord à l'École des Beaux-Arts puis dans de nombreuses académies ainsi qu'à l'École du Louvre. Elle a comme professeurs des artistes comme Paul Colin, Cassandre ou bien encore Fernand Léger.

Sculpteur, Louise Bourgeois garde néanmoins son attachement à l’image, peinte, gravée, dessinée, par laquelle elle a commencé. Le dessin sera pour elle une pratique constante, une sorte de carnet intime où elle note ses « pensées plumes » comme elle les appelle, idées visuelles qu’elle attrape au vol en les fixant sur les supports les plus variés. Ces idées visuelles peuvent donner ou non naissance à des sculptures. Par le dessin elle décante ses souvenirs complexes et les images du passé qui émergent à la conscience suscitées par des émotions intenses. L’art et la vie étant pour elle indissociables, on peut comprendre l’importance du dessin si on se réfère à l’enfance de l’artiste.

Louise Bourgeois passe son enfance à Choisy-le-Roi où ses parents tiennent un atelier de restauration de tapisseries anciennes. À partir de onze ans, Louise est associée au travail de dessin des motifs. Le fil qui restaure sera métaphoriquement assimilé au trait dans le dessin. Comme le souligne Marie-Laure Bernadac, dans son ouvrage : Louise Bourgeois, La création contemporaine (Flammarion, 2006, première édition, 1995), les premiers dessins automatiques sont associés aux scènes primitives de l’enfance, naissance, maternité. Moins immédiate, la peinture n’en est pas pour autant une des expressions privilégiées de l’artiste jusqu’à la fin des années quarante.

Au début des années trente, Louise Bourgeois fréquente l’Ecole des beaux-arts et diverses académies, parmi lesquelles la Grande Chaumière, elle a comme professeur Fernand Léger qui décèle sa vocation de sculpteur. « La peinture n’existe pas pour moi », affirme l’artiste, se disant plutôt attirée par « l’aspect physique de la sculpture » qui, seule, lui permet l’abréaction des affects que recherche sa démarche artistique, la libération et le dépassement de la peur par la mise en forme de l’affect.

En 1938, elle rencontre l’historien d’art Robert Goldwater qu’elle épouse et part vivre aux Etats-Unis. Lors de sa première exposition personnelle en 1945 à New York elle présente douze peintures. En 1947 apparaît dans le dessin et la peinture un des thèmes majeurs de son œuvre : la femme-maison.

Qu’il s’agisse d’une série de peintures et de dessins réalisés vers la fin des années 1940, des sculptures en marbre des années 1980, ou des grandes installations des années 1990, les Cells, le thème de la femme-maison est omniprésent chez Louise Bourgeois. Dans ces peintures qui doivent aux surréalistes le goût de la rencontre entre des éléments incongrus, le corps de la femme se termine par différentes sortes de maisons.

Dans cette toile rigoureusement verticale, le corps féminin, sans bras, porte sur les épaules une maison grise à colonnes. La rigidité grise de la maison contraste avec le rose vif du corps féminin où le sexe souligné évoque une fleur. Du toit de la maison, comme un nuage de fumée, sort une sorte de nasse qui fait penser à la chevelure féminine à laquelle l’artiste, qui en possédait une splendide, était très attachée. « La chevelure est omniprésente dans les premiers dessins et peintures de Louise Bourgeois. Luxuriante, sensuelle, voire auto-érotique, elle est peut-être la seule substance irréfutablement féminine de son univers », écrit Robert Storr, dans « Géométries intimes : l’œuvre et la vie de Louise Bourgeois » (in Art Press, n°175, déc. 1992). Couleurs chaudes et froides, lignes droites et courbes, géométrie et éléments organiques coexistent dans ces images qui sortent d’une combinatoire étrange et personnelle. Marie-Laure Bernadac voit dans « ce mélange de géométrique et d’organique, de rigidité et de malléabilité, d’architecture et de viscéralité, la métaphore de sa structure psychique » (in Louise Bourgeois, op.cit. p.64). Une structure psychique faite de contrastes.

Au-delà d’une revendication féministe dénonçant le poids écrasant de la maison dans la vie d’une femme au foyer, comme pourraient le faire penser les titres, il s’agit d’un noyau immense d’inspiration. La maison est le contenant idéal de tous les souvenirs et en particulier de ceux de l’enfance. Maison d’enfance où elle avait vécu une vie familiale très mouvementée, à cause d’un père volage, trompant souvent sa mère avec d’autres femmes et de manière encore plus douloureuse, pour l’artiste, avec sa jeune surveillante anglaise : Sadie.

Ce n’est qu’en 1947 que Louise Bourgeois aborde la sculpture avec des figures totémiques en bois. Ces figures, qu’elle appellera plus tard « personnages », sont des entités qui lui permettent « d’exorciser le mal du pays » qu’elle avait eu en quittant la France et des personnes de sa famille.

Plaçant toujours au centre de son art la vie affective, Louise Bourgeois souligne : « Au départ, mon travail c’est la peur de la chute. Par la suite c’est devenu l’art de la chute. Comment tomber sans se faire mal. Puis l’art d’être ici, en ce lieu. » De cette peur de tomber qu’elle avait eu en 1940, enceinte de son premier enfant, elle fera un thème essentiel de son art. Tous les « personnages » de 1947-49 ont en commun, selon l’artiste, « la fragilité de la verticalité (…) qui représente l’effet surhumain pour se tenir debout. » Les monolithes qu’elle crée en ces années existent en interrelation directe les uns sur les autres. Un champ spatial et psychologique d’attraction et de répulsion les ordonne. Louise Bourgeois conçoit dès les débuts la sculpture comme relation avec l’environnement et les œuvres entre elles. Sans socles, les personnages étaient conçus pour être enfoncés dans le sol comme des totems. Les contraintes de sa galerie l’obligèrent à les poser sur un socle.

Quarantania I est composée de cinq figures qui proviennent des « totems » qu’elle avait montrés séparément lors de sa première exposition à la Peridot Gallery de New York en 1949. Au centre, Woman with Packages (Femme avec des paquets), entourée de plusieurs femmes-navettes. La navette, instrument de travail de ses parents dans leur atelier de restauration de tapisseries d’Aubusson, est un élément formel et affectif qui renvoie à l’enfance de l’artiste. En équilibre précaire sur la pointe qui la fige au socle, chaque figure féminine semble ici néanmoins soutenir l’autre et trouver une forme d’équilibre et d’harmonie. Chaque membre du groupe conserve son indépendance, respectueux du territoire de ceux qui l’entourent, tandis qu’ensemble ils protègent la figure centrale. Comme l’écrit Robert Storr : « Forte de leur prévenance et incapable de basculer hors du cercle de ses pairs, la protagoniste archétypale de Louise Bourgeois, la femme en équilibre précaire et lourdement chargée, semble pour une fois vraiment à l’abri de ce qu’elle redoute par-dessus tout »

Très hautes et minces, ses silhouettes en bois que Bourgeois sculpte affirment la verticalité. Sans têtes et sans bras, elles sont réalisées en bois de séquoia, que l’artiste travaille à la lame de rasoir. Elles sont aussi peintes en blanc, couleur virginale pour l’artiste, et en bleu clair. « La couleur est plus forte que le langage. C’est une communication subliminale. Le bleu représente la paix, la méditation, l’évasion. Le blanc signifie le retour à la case départ  », note l’artiste.

Le développement de son œuvre prend alors un tour entièrement nouveau. Non seulement des thèmes jusqu'alors latents – la féminité, la sexualité, la famille, l'adolescence, la solitude – deviennent omniprésents, mais la manière de les traiter est entièrement renouvelée, avec des sculptures-installations réalisées avec des matériaux et des objets très variés, parfois personnels.

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Elle imprègne ses œuvres, notamment sculpturales, de cette veine psychique, issue de ses traumas personnels. Pleinement consciente de cette dimension de son œuvre, elle est toutefois très éloignée des représentations littérales qui caractérisaient, en particulier, le surréalisme dans leur rapport à l'inconscient, et a ouvert en ce sens une voie très avant-gardiste de l'art contemporain. Ses sculptures monumentales d'araignées, constructs oniriques, en sont un des exemples les plus connus.

Les derniers travaux de Louise Bourgeois renvoient en général à la famille, aux relations mère-enfant, père-enfant, et à des scènes à forte charge érotique, souvent des accouplements entre adultes perçus par le regard de l’enfant comme un agrégat protéiforme de corps qui s’ébattent dans un lit, ainsi pour Seven in Bed de 2001.

The Reticent Child s’inspire de la relation avec son fils Alain. L’œuvre, qui fait notamment allusion au premier traumatisme de la vie, celui de la naissance, a été réalisée pour le Sigmund Freud Museum de Vienne. Il s’agit d’une installation qui s’étend horizontalement et qui se présente comme une maquette de théâtre. La grossesse, la naissance, l’enfance et l’adolescence de son fils y sont représentées. Le tissu et le marbre sont les deux matériaux utilisés pour réaliser ici les figures. Cinq figurines sont en tissu de laine rose et la sixième, couchée sur un lit, est en marbre couleur peau. Disposés sur une table métallique au-dessus de laquelle est fixé un grand miroir convexe, les six personnages se reflètent dans la glace. La métamorphose est amenée de manière spectaculaire par le miroir déformant qui, selon le point de vue où se trouve le spectateur, modifie la perception des formes, redoublant le caractère inquiétant de ces figures assemblées dans une scène qui rappelle celle du rêve.

Ombres du passé, présences énigmatiques, figures surdéterminées de sens se succèdent tout le long de cette installation qui soulève le problème de comment représenter le temps dans l’œuvre plastique. Le choix de l’horizontale pour signifier la succession des événements a ici quelque chose qui, malgré l’aspect résolument contemporain de l’installation, fait penser à la peinture ancienne, au célèbre Tribut (vers 1427) de Masaccio où trois temps de la narration biblique sont représentés sur la même fresque. Masaccio et ses peintures de la chapelle Brancacci à Florence reviennent encore dans le geste du jeune homme à l’extrémité de l’œuvre, qui baisse la tête en se cachant les yeux, geste qui n’est pas sans rappeler celui d’Adam dans Adam et Ève après la chute (vers 1427).

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Le regard se porte sur l’enfant dont le marbre rend la peau diaphane, enfant réservé nous dit le titre. Couché sur son lit en position fœtale il semble ne plus vouloir le quitter. Mais peut-être aussi, comme dans le processus du rêve analysé par Freud, le véritable sujet n’est pas celui qui se montre comme tel, il est à chercher ailleurs, ici, dans l’orchestration des personnages tout au long de l’installation qui s’apparente à une narration. Le sujet c’est le temps et son déploiement dans la scène, dans une polyphonie des formes et des matières, de clair-obscur et de couleur. Le véritable sujet de l’œuvre c’est l’ensemble inextricable qu’est l’œuvre elle-même, ce plateau où se donne à voir la représentation de la vie.

En 1999, Louise Bourgeois reçoit le Lion d'or de la Biennale de Venise pour l'ensemble de son œuvre.

Notes et références[]

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